Pouvoir disciplinaire

Pouvoir disciplinaire

 

1/ Qu'est-ce qu'une sanction ? 

Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prises par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière, sa rémunération (art. Lp. 132-1) ;

La sanction prononcée ne doit pas être disproportionnée à la faute commise (alinéa 4 art. Lp 132-8) ;

La nature et l'échelle des sanctions sont prévues dans le règlement intérieur ou les conventions collectives. L'employeur est libre de prononcer une sanction non inscrite dans le règlement intérieur à condition que le recours à cette sanction ne soit pas interdit par une disposition du règlement intérieur ou de la convention collective applicable (et sous réserve du contrôle du tribunal du travail).

2/ Qu'est-ce qu'une faute ? 

Il n'existe pas de définition légale de la faute. La faute disciplinaire est celle que l'employeur définit comme telle sous le contrôle du tribunal du travail.

Ne peut cependant être considéré comme fautif et donner lieu à sanction, ce qui correspond à l'exercice d'un droit expressément reconnu par la loi  ou la réglementation : l'exercice du droit syndical ou des activités syndicales, l'exercice normal du droit de grève, l'expression d'une opinion politique, le droit de retrait en cas de danger grave et imminent.

1/ Sanctions pécuniaires et amendes : 

Les amendes et autres sanctions pécuniaires sont interdites (art. Lp. 132-2). Toute infraction à cette interdiction est sanctionnée pénalement (art. Lp. 133-1) ; 

La retenue sur salaire n'a pas le caractère d'une sanction pécuniaire prohibée lorsqu'elle est pratiquée à l'occasion d'un travail non effectué ou lorsqu'elle correspond à une mise à pied disciplinaire ou à une rétrogradation.

 2/ Sanctions discriminatoires :

Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son origine, de son sexe, de l’état de grossesse, de ses mœurs, de sa situation de famille, de son appartenance à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses (art. Lp. 112-1).

3/ Sanctions cumulatives :

Un même fait répréhensible ne peut pas être sanctionné deux fois. En l'absence de fait nouveau, l'employeur ne peut invoquer un fait déjà sanctionné par un avertissement pour motiver le licenciement du salarié. Cependant si le salarié ne tient pas compte d'un avertissement qu'il a reçu et si des faits de même nature se reproduisent, l'employeur peut faire état des précédents avertissements pour justifier le licenciement de l'intéressé.

1/ Sanctions mineures :

Il s'agit de l'avertissement (même si celui-ci comporte une menace de sanction plus grave) ou toute sanction de même nature qui n'a pas d'incidence sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière, la rémunération du salarié (ex. : le blâme, la lettre d'observation art. Lp. 132-4 alinéa 4).

2/ Autres sanctions:

Ces sanctions ont une incidence (immédiate ou non) sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

  • La mise à pied disciplinaire avec perte de salaire (sanction lourde) : le contrat de travail est suspendu temporairement (le salarié ne peut plus alors exercer ses fonctions). La durée de la mise à pied la plus couramment admise ne dépasse pas 8 jours. En tout état de cause, cette durée ne doit pas être supérieure à celle fixée par le règlement intérieur.

Elle ne doit pas être confondue avec la mise à pied conservatoire (art. Lp. 132-5). Cette dernière n'est pas une sanction disciplinaire mais une mesure provisoire avec effet immédiat pour faire face à des situations de désordre ou de danger, en attendant l'issue de la procédure disciplinaire menée parallèlement. 

Elle prend fin avec le prononcé de la sanction définitive. La mise à pied conservatoire ne peut être décidée que si une faute suffisamment grave est relevée à l'encontre du salarié. La mise à pied conservatoire est en principe notifiée dans la lettre de convocation à un entretien préalable à un licenciement ou à une sanction. L'employeur doit préciser dans la lettre notifiant la mise à pied conservatoire que celle-ci est prononcée dans l'attente d'une sanction définitive. La période de mise à pied conservatoire doit être rémunérée sauf si la sanction définitive qui y met fin, est un licenciement pour faute grave ou lourde reconnue comme telle par le juge.

  • La mutation disciplinaire avec ou sans rétrogradation

La rétrogradation dans l'emploi ou les fonctions : Il s'agit d'une mesure de déclassement hiérarchique, licite même si elle est accompagnée d'une diminution de salaire. En revanche, si la rétrogradation se concrétise par une diminution de salaire sans déclassement, elle est assimilée à une amende prohibée.

  • Le licenciement pour faute :
  • C'est au juge d'apprécier, en cas de contestation, si la faute reprochée au salarié constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
  • La faute grave rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, elle est privative du préavis et de l'indemnité de licenciement. L'indemnité de congés payés reste due par contre ;
  • La faute lourde (plus importante que la faute grave) retenue lorsqu'il y a intention du salarié de nuire à l'employeur, est privative en plus, de l'indemnité de congés payés (voir les articles Lp. 122-22 et Lp. 122-27).

La faute grave ou lourde ne dispense pas l'employeur de respecter les procédures disciplinaire et de licenciement pour un motif personnel, qui se cumulent (voir les dispositions relatives aux procédures de licenciement). Toutefois, il a la possibilité de procéder à la mise à pied conservatoire du salarié en attendant de pouvoir lui notifier la sanction de licenciement ( art. Lp. 132-5).

Le salarié peut refuser une sanction qui apporterait une modification substantielle du contrat de travail (mutation, rétrogradation...) ; l'employeur ne peut dans ce cas que soit renoncer à cette sanction, soit prononcer une sanction moindre, soit engager une procédure de licenciement pour faute. Il faut dans ce dernier cas que la gravité de la faute le justifie.

1/ Pour les sanctions mineures : 

L’employeur qui entend prononcer une sanction mineure (mis à part les observations verbales) est tenu de notifier la sanction par écrit avec indication des griefs retenus contre le salarié (art. Lp. 132-3), dans un délai maximum de 2 mois à partir du jour où l'employeur a eu connaissance du fait fautif.

Cette notification doit être faite :

  • soit par lettre remise en mains propres contre décharge ;
  • soit par lettre recommandée (notamment si le salarié refuse de recevoir la lettre en mains propres)

2/ Pour les autres sanctions : 

L’employeur est tenu de respecter une procédure (art. Lp. 132-4).

2 - 1 : Convocation à un entretien préalable :

La convocation doit indiquer (art R. 132-1) :

  • la date       )
  • l'heure       )     de l'entretien
  • le lieu        )
  • l'objet        )
  • que le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Elle est faite par écrit et est soit remise en mains propres contre décharge (art R 132-2), soit adressée au salarié par lettre recommandée dans un délai de 2 mois maximum à partir du jour où l'employeur a en connaissance du fait fautif, à moins que ce fait ait donné lieu dans ce délai à des poursuites pénales.

Lorsqu'il fixe la date de l'entretien, l'employeur doit prendre en considération le fait d'une part qu'une lettre recommandée met plus de temps pour être acheminée qu'un envoi simple, et d'autre part que le destinataire peut tarder à retirer la lettre recommandée.

N.B.  : Il est préférable pour l'employeur qui prononce une mise à pied conservatoire, de la notifier par écrit dans la lettre de convocation à l'entretien.

2 - 2 : L'entretien :

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié ( art. Lp. 132-4 alinéa 2).

Si le salarié ne s'est pas présenté à l'entretien, on peut considérer que les formalités se trouvent accomplies dans la mesure où l'employeur peut prouver que le salarié a reçu en temps utile, la lettre recommandée de convocation.

2 - 3 : Motivation et notification de la sanction :

L'employeur doit motiver et notifier, la sanction par lettre recommandée ou remise en mains propres contre décharge (art. Lp. 132-4 alinéa 3).

La sanction doit intervenir dans un délai d'un jour franc minimum et d'un mois au maximum après le jour fixé pour l'entretien (art. Lp. 132-4 alinéa 3).

Le délai d'un mois prévu pour la notification ou de deux mois prévu pour la convocation expire à 24 h le jour du ou des mois suivant(s) qui porte le même quantième que le jour fixé pour l'entretien (ex. : entretien préalable le 25 février, notification de la sanction au plus tard le 25 mars à minuit).

A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois suivant à 24 h (ex. : entretien le 31 mars, notification de la sanction au plus tard le 30 avril à 24 h).

Lorsque le dernier jour de ce délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est prolongé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. (art. R. 132-2)

N.B.En cas de licenciement pour faute, il y a cumul des procédures disciplinaire et de licenciement pour motif personnel.

1/ Prescription des faits fautifs :

  • Aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires, au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. (art. Lp. 132-6)
  • Le délai de prescription concerne l'engagement des poursuites et non l'application de la sanction. Si le salarié tombe malade après l'entretien, la sanction pourra lui être notifiée mais ne prendra effet qu'à son retour.
  • La prescription ne joue pas en cas de répétition des fautes. En effet si le fait fautif, après un délai de 2 mois, ne peut plus donner lieu à l'engagement d'une procédure disciplinaire, il peut par contre, après ce délai, être pris en considération, si une nouvelle faute est commise, pour justifier la sanction.

2/ Prescription des sanctions :

Aucune sanction antérieure de plus de 3 ans à l'engagement des poursuites disciplinaires, ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction. (art. Lp. 132-7)

N.B.  : Une loi d'amnistie peut intervenir et enlever aux faits fautifs qu'elle vise leur caractère de faute. Elle interdit donc de sanctionner, à partir de son entrée en vigueur, certains faits fautifs commis avant une date qu'elle fixe elle-même et interrompt les procédures disciplinaires qui seraient en cours lors de sa publication. Ainsi les faits fautifs (sanctionnés ou non) visés par la loi sont amnistiés. L'employeur doit alors retirer des dossiers de ses salariés toute mention relative à une sanction amnistiée. Il peut en revanche garder trace des faits ayant au départ, justifiés la sanction. L'amnistie est sans effet sur les conséquences financières que la sanction du fait amnistié a pu entraîner.

 

En cas de litige, le tribunal du travail est seul compétent pour vérifier la régularité de la procédure suivie et apprécier si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction (art. Lp. 132-8 alinéa 1).

Le Tribunal du Travail peut annuler une sanction irrégulière (art. Lp. 132-8 alinéa 4) ; par contre il ne peut pas ordonner la réintégration du salarié dont il juge le licenciement abusif. Celui-ci se voit allouer des dommages et intérêts.

N.B.  : L’annulation d'une sanction pour disproportion à la faute commise, laisse subsister la procédure disciplinaire antérieure. Toutefois, la seconde sanction doit être notifiée dans le mois qui suit la notification de la décision d'annulation.

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